Simplification administrative : liste de propositions "ambitieuses, mais aussi operationnelles"
mis en ligne le 1er juin 2004 par Fabrice Neyret
Voici
une liste de suggestions "ambitieuses, mais aussi opérationnelles" de
simplifications administratives (comme demandé récemment par le
ministère aux organismes), en réponse notamment à la liste de freins
administratifs à la productivité de la recherche citée dans le texte "L’incroyable complexité administrative, une dimension peu évoquée mais omniprésente au quotidien"
Ces mesures sont regroupées en 5 chapitres correspondant à une logique forte : pour une autonomie de gestion similaire à celles des entreprises (chapitre 1) ; pour
une révolution Copernicienne : l’administration (et les services)
au service des usagers (chercheurs) et non plus l’inverse (chapitre
2) ; pour une administration électronique (chapitre 3) ; simplifier les vacations et autres embauches de soutien à la recherche (chapitre 4) ; épurer les politiques incitatives pour simplifier l’administration de la recherche (chapitre 5).
Cependant les mesures détaillées dans ces chapitres
sont suffisamment basiques et autonomes pour pouvoir être appliquées
quand bien même l’esprit (i.e. la "logique forte") de ces chapitres ne
serait pas retenue. Les modèles de référence sont notamment le Canada
et les États-Unis, mais les mesures suggérées comme l’autonomie de
gestion sont également en usage dans divers pays Européens (Allemagne,
Angleterre...).
NB : ces mesures concernent différents niveaux
administratifs (UR, tutelles, réglementation publique). Les références
à l’"administration" peuvent ou non concerner chaque niveau. L’État
comme les organismes doivent faire un effort de simplification
administrative.
*1. Pour une gestion financière des labos et UR similaire à celle des entreprises
Un laboratoire ou une UR présente de
fortes similarités avec une entreprise : il a des ressources
propres (un taux de 80% n’est pas rare), dont il doit en faire le
meilleur usage compte tenu de besoins internes variés et forts, et il
doit pouvoir être très réactif (notamment pour une collaboration
industrielle). Une gestion efficace ne s’opposant plus à la
productivité de la recherche passe par les mesures suivantes qui
rapprochent des règles de gestion "standard", lesquelles sont déjà
encadrées par divers gardes-fous et procédures de contrôle.
@ Principes : La nécessité de contrôle ne peut en aucun cas justifier un frein à l’activité. Les laboratoires et Unités de Recherche sont responsables de leur gestion.
@ Suppression du contrôle
systématique a priori (bloquant l’exécution), du couple agent comptable
/ contrôleur financier centralisé (actuellement 1 pour tout
l’INRIA !), des lignes budgétaires séparées par origine et par
type de dépense, de leur gestion par les tutelles, de la récupération
des reliquats par les tutelles.
@ L’unité de gestion devient le
laboratoire ou l’UR, doté d’une personnalité juridique. Il peut
posséder un compte en banque et des moyens de paiement classiques
(chèques, virements, paiement électronique), ou recourir au service de
gestion d’une tutelle dans cet esprit. Il organise des sous-comptes à
sa convenance (e.g. par projets). Il commande toute l’année, à sa
convenance. Si la loi sur les marchés persiste, c’est à son niveau
qu’elle s’applique. L’exercice comptable est arrêté annuellement et
approuvé par un expert comptable. L’administration des tutelles (ou
Bercy) peut procéder à un contrôle a posteriori, systématique et/ou
aléatoire. Le directeur du laboratoire ou de l’unité est responsable de
l’usage de ses finances. L’évaluation du laboratoire prend en compte la
gestion financière. (Cela suppose des sanctions pour le directeur et/ou
le laboratoire en cas d’abus ou de dérives. En outre l’évaluation donne
l’occasion de mises en garde éventuelles).
Possibilité de contracter des assurances si utile (e.g.
pour matériel courant). (On pourrait même envisager la possibilité de
contracter des emprunts, comme une entreprise ou une collectivité
locale peuvent le faire : ce serait un moyen de "lisser" le
financement d’un investissement exceptionnel, voire d’un imprévu.)
*2. pour une administration au service de l’usager (au sens large)
(l’usager peut être un agent public, ou une autre administration).
Les pouvoirs publics ont à plusieurs
reprises incité les organismes à améliorer leur productivité en échange
d’un réajustement du financement public. Mais les chercheurs ne
demandent que ça, car c’est le code de la comptabilité publique (et le
rôle qu’il donne à l’administration) -sous la responsabilité de L’État-
qui constitue actuellement le principal frein à l’activité donc à la
productivité. Et la tendance actuelle est au durcissement continu. Nous
suggérons ici une révolution Copernicienne des pratiques, mettant
l’administration (et les services) au service des usagers (chercheurs)
et non plus l’inverse. En fait il s’agit moins d’un bouleversement
législatif que d’une série de petites réformes techniques, et surtout,
d’un changement d’esprit dans les pratiques.
@ Principes : La nécessité de contrôle ne peut en aucun cas justifier un frein à l’activité. Le
délai de traitement administratif ne peut en aucun cas justifier un
frein à l’activité (e.g. mission dans la semaine pour réunion), même si
l’usager doit s’efforcer de faciliter le traitement. Les
usagers ne sont *pas* des délinquants en puissance (en particulier
quand un document est signé par un responsable) : confiance a
priori, contrôle a posteriori. Passer d’une logique de contrôle à un
esprit de service, à tous les niveaux (modèle Canada/USA). Le
but des services (et de l’administration) est de tout faire pour rendre
possible une action, et non d’y faire obstacle. Le
coût du contrôle doit être inférieur à ce qu’il "rapporte"
(économise) : une contrainte administrative (e.g. limitation,
justificatif) doit être proportionnée à ce qu’elle permet d’éviter, et
surtout, tenir compte de la gêne qu’elle occasionne. En
particulier le temps de travail (des contrôleurs comme des contrôlés,
plus les intermédiaires) est une part importante du coût du contrôle (à
minimiser). E.g.
le temps pour traiter un paiement devrait *toujours* être faible par
rapport au nombre d’heures concernées par le paiement (cf 4), notamment
pour le laboratoire. Il
faut une régulation des pratiques de l’administration (étant admis que
celle-ci organise déjà la régulation des pratiques des usagers) afin de
minimiser la gêne aux usagers (modèle : Canada). En
particulier, évaluer les conséquences de (et décourager) l’ajout de
nouvelles contraintes (ne pas en inventer à plaisir, type RIB
original), évaluer toute nouvelle disposition réglementaire pour
corrections. L’administration
(à ses divers niveaux, jusqu’à Bercy) doit faire l’objet d’une
évaluation régulière, similaire à l’évaluation des laboratoires. Favoriser l’administration électronique (cf point suivant). En finir avec l’État mauvais payeur.
Remarque : en l’état actuel, une bonne partie de
la masse salariale et des frais de fonctionnement de la recherche
devraient en fait être comptabilisés dans le coût de Bercy, puisque
correspondant objectivement à une activité à son service et non à celui
de la recherche.
@ Suppression des formulaires
inutiles ou redondants : e.g. autorisation de cumul, OM sans
frais... (ne veut pas dire suppression des responsabilités et limites,
mais formulaire bloquant remplacé par une simple déclaration non
bloquante et un contrôle a posteriori, certification des comptes,
contrôle aléatoire, gestion locale.) Allègement extrême des formulaires
(pré-remplis, minimalistes, isoler ce qui est vraiment préalable pour
laisser une place à l’imprévu) : e.g. OM (Ordres de Mission).
Simplifier les circuits de traitement (commandes, missions, accueil
d’étudiants, embauche d’ingénieur en CDD (7 signatures
actuellement !)). Suppression des limitations type :
interdiction de sortie du territoire (e.g. pour les thésards
moniteurs), interdiction de cumul pour certains statuts (e.g.
ingénieurs) (privilégier la continuité entre statuts !).
Suppression des freins dus à la loi sur les marchés
(suppression, exemption, changement des seuils ou de l’échelle
administrative (e.g. le labo plutôt que l’organisme), changement des
modalités techniques...) au moins pour les commandes courantes :
ni établissement de marchés (dont la contre-productivité est prouvée
quotidiennement, qui complique fortement les achats et paradoxalement
ne donne pas du tout les prix les plus bas, et qui est délétère même
pour le tissu économique (PME)), ni règle des 3 devis (inutilement
compliqué car bidon, et obtenir des devis pour des produits courants
n’est pas toujours simple (e.g. FNAC, Carrefour, vente en ligne)).
En particulier, donner la possibilité de commander en
ligne (voyages, logiciel, matériel...), où l’on trouve les prix les
plus compétitifs. Actuellement très difficile à cause de la loi sur les
marchés, de l’absence de moyens de paiement "normaux" (on doit passer
par la carte bancaire d’un agent !), et de la tatillonnerie sur la
nature des documents justificatifs (devis).
@ L’État/l’administration doit
payer des indemnités de retard sur ses factures en souffrance (à quel
niveau administratif ? car plusieurs acteurs...). Toute avance de
frais par le personnel doit donner lieu à remboursement d’intérêts
(progressifs ?). modèle : Canada. S’interdire les relances
prématurées de fournisseurs pour convenance administrative.
Pouvoir faire remonter les doléances/suggestions sur le
fonctionnement des procédures administratives, à tous les
niveaux : Commission à la simplification administrative, et comité
représentant les usagers dans les diverses administrations et
instituts. Évaluation régulière des divers niveaux administratifs (y
compris de Bercy), dans l’esprit de l’évaluation des laboratoires.
Encourager les audits.
E.g. de problème qui n’est pas remonté : usage
très pénalisant des logiciels de gestion imposés par les diverses
tutelles. Ils sont complexes, rigides (impossibilités non-légales dues
à l’interface), sur-contraints, pas inter-opérable entre tutelles ou
avec les logiciels classiques (Excel), pas de possibilité de suivi des
engagements financiers (les équipes les mieux organisées font une
double comptabilité, sans garantie d’obtenir exactement les mêmes
comptes).
Créer un numéro de tel (et/ou web) SOS-"réponse à tout"
pour l’administration (e.g. pour pouvoir traiter un cas comme celui des
étrangers, cf + bas). Encourager la culture du service, de la
responsabilité (e.g. équivalence de justificatif), du doute (décourager
le "refus par sécurité"). Modèle : Canada. En particulier, former
les services qui ont à traiter un usager étranger ou partant à
l’étranger (pour ne plus demander un numéro de sécu à un visiteur
américain ou une attestation de prise en charge à un labo
étranger !).
*3. Pour une administration électronique (modèle : Canada)
Tout formulaire papier doit être duplicable depuis une forme électronique. La plupart des formulaires doivent être également complètables en ligne. La plupart des formulaires (papier ou électroniques) devraient être pré-remplis. Autant
que possible, les formulaires électroniques doivent être disponibles
sous une forme interactive (et non forêt de champs inutiles dans le
contexte). Ne jamais demander de renseignement ou de justificatif inutiles dans le contexte. En
particulier alléger profondément la procédure du dossier pour les
concours, pour l’évaluation du personnel... Prévoir la possibilité de
gestion du suivi (e.g. dépôt ultérieur d’info supplémentaires). Les
logiciels et formulaires en ligne ne doivent pas être des ’pièges’, et
en aucun cas restreindre les possibilités légales, ni même les
tolérances qui sont des lubrifiant indispensable (e.g. saisie
postérieur à l’acte).
Rendre
possible les commandes en ligne (voyages, logiciel, matériel...)
(handicapées par la loi sur les marchés, l’absence de moyens de
paiement, les justificatifs normalisés). Droit
à l’expérimentation sur le détail des procédures administratives (type
de mise en concurrence, nature des justificatifs...).
Organiser
la synthèse des diffusions d’annonces type appels d’offre pour limiter
l’inondation et la redondance de mails. Quelques possibilité : par
GDR ? par Direction Scientifique ? par laboratoire ?
’repository’ national ? avec possibilité d’abonnements ou
’alertes’ ? Mieux gérer la diffusion des annonces des appels d’offre, à l’avance ! Systématiser
l’emploi de formats portables (rtf/txt/html/pdf...), interdire les
formats propriétaires type Word, Excel pour la diffusion et les
formulaires (indicateur à suivre pour l’évaluation). Culture du format
minimaliste (plus de mails institutionnels sans sujet avec fichier Word
attaché contenant 8 lignes de texte !). Organiser
le recensement des besoins en développement logiciel (éducation,
administration, interdisciplinaire), pour déboucher par exemple sur
appels d’offre à développement. (appel à logiciels
(libre ?) ? financer le développement de logiciel
libre ?) Lutte
sérieuse contre le spam (poursuite des spammeurs) : ils sont
devenu un obstacle sérieux à la productivité et à la fiabilité :
premiers utilisateurs historiques et dans l’usage quotidien, les
chercheurs ont en outre leurs coordonnées exposées au grand jour. Les
systèmes anti-spam sont dépassés et les chercheurs perdent beaucoup de
temps à trouver les ’vrais’ mails au risque d’en détruire, et leur
propre courriels sont régulièrement victimes d’un tri erroné. La
gestion du mail (spams, virus) est également devenu une tache
principale des centres informatiques. Tout ceci coûte très cher, il
faut donc lutter efficacement !
*4. emplois (notamment temporaires)
Le
laboratoire ou l’UR peut prendre des CDD/CDI sur ses ressources
propres : e.g. ingénieur système, valorisation, développement,
secrétariat, dépannages. (Les CDI -hors postes de recherche-
permettraient de mettre fin à l’hypocrisie des CDD qui sont soit
renouvelés pendant parfois plus de 10 ans, soit qui font l’objet d’un
turnover contre-productif (employés kleenex) ). Possibilité de poste de chargé d’affaires (montage et suivi des contrats)
Élargir
le droit aux petites vacations (e.g. pour cours ou aide ponctuelle)
e.g. aux étudiants de tous statut, ingénieurs, chômeurs, RMIste... En
simplifier les formulaires et le traitement : Le temps total de
traitement d’un paiement (i.e. temps de toutes les personnes
impliquées) devrait *toujours* être faible par rapport au nombre
d’heures concernées par le paiement, a fortiori pour le
laboratoire ! (sinon autant que le directeur fasse les heures
lui-même !) NB : accompagner les heures travaillées d’autant
d’heures de traitement revient à doubler le coût du travail (voire bien
plus, car les vacations sont peu payées).
L’ANPE
devrait pouvoir conventionner des stages d’étudiants chômeurs (c’est
peut-être théoriquement le cas, mais en pratique ça n’est pas
appliqué). Cotisation sociales (e.g. chômage) systématiques pour l’emploi principal (e.g. thésards, postdoc) ! Les
thésards et postdocs devraient obligatoirement être financés. Par
contre il faut assouplir les modes de financement (e.g. pour pouvoir
bénéficier du financement de plusieurs contrat court et autres
ressources propres).
*5. simplification de l’administration scientifique
@ Principes : Tout nouveau
comité de distribution (ou modulation, orientation) de moyens (type
bourses, financements), et toute nouvelle compétence donnée à un niveau
intermédiaire, se traduit *aussi* par la dépense d’une quantité très
importante de temps pour : lobbying (sur l’orientation,
priorités), montage des dossiers, évaluation des dossiers, gestion du
système, rapports et justification des dépenses (à mi-parcours et au
final). Avant d’ajouter ’localement’ au système une procédure, un
comité, ou une nouvelle attribution à une instance, il convient donc de
bien en mesurer l’impact global sur la productivité de la recherche,
puisque les chercheurs sont sollicité des deux côtés des guichets (au
moins).
Limiter ces comités, et leur redondances (e.g. aux multiples niveaux). Ne
pas demander de "politique scientifique" à trop de niveaux
intermédiaires ; conduisant à diluer certains critères de décision
à des niveaux où ils n’ont pas lieu d’être (l’Europe, les divers
ministères, les régions, les villes, les organismes, les fédérations,
les UFR, les UR, les ED... ça fait beaucoup !) Notamment,les
Écoles Doctorales ne devraient pas faire de fléchage thématique
supposant une "politique scientifique" ! (leur compétence est
d’harmoniser le placement des étudiants de DEA et de veiller au bon
déroulement des thèses). Encourager
à ce que les règles ou principes d’attributions des ressources
(bourses, financements) soient claires et disponibles (e.g. en ligne)
pour l’usager (et pas trop changeantes). Évaluer
régulièrement le fonctionnement des comités (dont ceux de financement),
dans l’esprit de l’évaluation des laboratoires.
Limitation
des formules de financements partiels des projets, nécessitant des
montages complexes (temps de montage important, coalitions
non-fonctionnelles). Formulaires
de réponse à appel d’offre + légers (modèle : USA), moins
"industriels" (laisser une place à l’inconnue !) Éviter le saupoudrage : plus de moyen plus longtemps, ou par renouvellement via une procédure légère. Supprimer
le fléchage des bourses MRT et les confier à 100% aux ED (supprimer les
bourses présidence, IUF, thématique, etc). Par contre des bourses
peuvent être proposées sur ressources propres ((a voir :)
présidences, tutelles, Départements Scientif, GDR, labos, etc). élargir les BDI (comme les CIFRE) à tous les Bac+5 (notamment DESS-DEA).
Mieux gérer la diffusion des annonces des appels d’offre, à l’avance ! Accélérer l’évaluation des dossiers de réponse à appel d’offre. Accélérer
l’officialisation de l’acceptation des projets (e.g. RIAM, RNTL,ACI)
pour leur permettre de démarrer plus vite (moins d’1 an après le
dépôt !). Accélérer les versements réels (notamment pour le partenaire industriel). Veiller
à ne pas éliminer les PME/PMI (par construction moins expertes aux
montages, et plus fragiles) par une méfiance excessive.
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