Affaire Rom Houben, annonce puis démenti : en quoi consiste le métier de journaliste ?

Avec bien d'autres associations sceptiques, nous vous avions longuement parlé de l'affaire Rom Houben, le patient « faussement végétatif, découvert enfermé en lui, qui peux maintenant s'exprimer par ordinateur - et va écrire un livre ». Même sans rien connaître ou reconnaître de l'étrange technique de « communication facilitée » qui a servi à prouver la « découverte », voir une personne dont on tient fermement le poignet écrire sur un clavier sans regarder ni celui-ci ni l'écran avait de quoi faire sursauter l'esprit critique même le moins éveillé. Mais pas celui des journalistes, en enquête sur place comme dans les rédactions. Ainsi, le 23 novembre 2009, le JT de France 2 nous avait narré la jolie histoire sans l'ombre d'une retenue de doute, et avec moults embellissements. Après tout, des confrères l'avaient déjà publié en Belgique, donc pourquoi douter ?

Cas rare, les réactions sceptiques, l'expérience en double aveugle conduite par les sceptiques belges (si l'assistante ne voit pas l'objet à nommer, le patient n'arrive plus à en taper le nom), l'appui d'un médecin (Dr Laurent Jézéquel, voir son article, voir aussi la synthèse de l'affaire par Brigitte Axelrad dans notre newsletter précédente), ont finalement conduit les médias à reconnaître la supercherie, le 29 mars dernier pour France 2. Il serait  d'ailleurs intéressant de comprendre ce qui a permis cette fois à la contre-information d'arriver jusqu'au public.

Mais ce démenti, ils l'ont fait la bouche en coeur sur le ton du nouveau scoop, sans la moindre excuse ou contrition, en annonçant tout aussi guillerettement le scoop de la fausseté dévoilée qu'ils avaient annoncé plus tôt la fausse information ! Dans le passé, les médias ont occasionnellement reconnus leurs manquements quand ils s'étaient contentés de l'information sous contrôle ou mono-source (Timisoara, première guerre d'Irak), alors même que diversifier les sources était difficile, et que l'info annoncée était au moins plausible, faute d'être vérifiable. La faute est également volontiers stigmatisable tant qu'elle est isolée et personnifiée, comme pour la journaliste trop pressée qui avait annoncé à tort la mort d'un enfant disparu afin d'avoir une réponse à tout prix dans le temps du JT. Mais autrement, quelles qu'en soient les conséquences sociétales, l'erreur semble sans la moindre importance tant qu'elle n'est la faute de personne en particulier, selon la règle de fait que c'est sur l'obscur premier média à diffuser l'info que repose totalement et uniquement la responsabilité de la vérification. Ici, les conséquences étaient de faux espoirs pour tous les proches de patients végétatifs, voire pour tout parent de malade souffrant de déficience communicationnelle à qui on a fait miroiter un canal de communication - éventuellement piégé de fausses accusations - contre espèces sonnantes.

De plus, dès qu'il s'agit de prétentions médicales, blouse blanche et discours savant ne sauraient mentir. En la matière, curieusement, la personne qui crée l'info parait automatiquement fiable, encore plus efficacement que l'autorité psychologique d'une victime se réclamant d'un drame, alors même qu'il est largement plus facile de recouper auprès de la profession, de tester sommairement l'allégation extraordinaire, surtout quand on va filmer longuement sur place, ou a minima de faire part d'une once de questionnement, si ce n'est de réserve.

Bref, la rédaction de France 2 peut annoncer une info, puis quelques temps après, l'info contraire, sans se sentir fautive, ni concernée par la vérification des infos. Dès lors, en quoi au juste consiste le métier de journaliste ?

Fabrice Neyret