Des ovnis à Bergerac Imprimer
Écrit par Fabrice Neyret   
Mercredi, 13 Juillet 2011 00:39

Cet article est paru dans notre newsletter n°69 en juillet 2011.


Il y a quelques mois, Marielle [1], habitant près de Bergerac, nous a fait parvenir un témoignage de type « OVNI »[2], nous demandant notre avis. Ce genre d'enquête, a posteriori et essentiellement sur la base de témoignages, est évidemment difficile. A fortiori quand il n'y a qu'un témoin. Mais comme on va le voir, il est parfois possible de démêler l'écheveau des impressions, de tirer des éléments objectifs, voire... d'avoir la chance de cerner l'explication.

Les faits remontent à tout juste un an. La première fois, c'était le 17 juillet 2010 vers 23h.

Marielle nous décrit : « c'était une grosse « boule » d'un joli bleu, qui voyageait à une vitesse phénoménale à environ 10 mètres du sol, suivant une ligne horizontale. Elle partait, revenait, cela pendant les 20 minutes que j'ai passées à regarder et...essayer de photographier, mais dans mon émoi, ça n'a rien pris. » La seconde fois, quinze jours plus tard vers la même heure, se produisait un phénomène très semblable : « un peu plus haut mais dans la même direction, une autre boule lumineuse, plus grosse et blanchâtre suivait le même parcours toujours à une vitesse prodigieuse, même tracé que l'autre. »

Côté hypothèses, Marielle avait d'abord pensé à des essais de feux d'artifice, mais 3 à 15 jours après ceux du 14 juillet, c'était d'autant plus improbable que la forme ne ressemblait pas (ni gerbes, ni faisceau, ni son, juste deux grosses boules). Elle suggère des « orbes » [3], ce qui est également une mauvaise piste puisque ces phénomènes là n'apparaissent que sur photos. Se demande si cela pourrait éventuellement être une émanation du traitement chimique des vignes. Puis une amie « inspirée » suite à des expériences NDE [4] lui souffle que « ce sont des boules d'énergie que jusqu'à présent nous ne voyions pas, mais notre espace-temps ayant rétréci, nous allons en voir de plus en plus... ». Nous convenons que l'on peut commencer par chercher plus simple et tangible.

 

Des lumières dans le ciel, autant dire que ça peut être beaucoup de choses. Il faut donc affiner la description. Par ailleurs, il faut savoir que privé de tout repère, il est impossible à quiconque de connaître la taille, la distance, l'altitude, la vitesse de formes non identifiées, même si on peut en avoir la solide impression. Ce qu'il est possible de voir, c'est la taille apparente, correspondant à un objet petit ou gros selon sa distance réelle (inconnue) ; la direction (azimutale) et l'angle d'élévation, qui correspond à une hauteur plus ou moins importante selon la vraie distance ; la vitesse angulaire, c'est-à-dire le temps mis pour aller de telle direction à telle autre, la vraie vitesse dépendant elle aussi de la distance réelle, mais aussi de l'angle que fait la trajectoire avec la ligne de vue. Des fluctuations d'intensité peuvent être interprétées à tort comme des accélérations radiales. Les seules accélérations objectivement constatables sont les angulaires, en azimut ou en élévation.

Et pour évaluer ces tailles apparentes, angles d'élévation et directions, il faut des repères (un arbre, une montagne, une maison), faute de quoi on peut se tromper de beaucoup - par exemple, la lune parait bien plus grosse au raz de l'horizon, sans aucune raison optique. Si l'on a la chance d'avoir plusieurs témoignages simultanés en des lieux différents, il est alors possible de faire une triangulation pour reconstituer les vraies distances, mais ça n'est pas le cas ici.

Marielle me précise donc : « Ces boules lumineuses, la première de la taille d'une pleine lune, la deuxième de la taille d'un petit soleil, « voyageaient ». J'ai estimé la hauteur du sol par rapport à un  arbre dans ma haie, et les deux fois elles ont parcouru la même ligne en se dirigeant vers l'ouest, s'arrêtant au retour au dessus des vignes qui jouxtent mon jardin. Même point, hauteurs différentes (dans mon angle de vision), une vitesse proche de celle d'un éclair mais peut-être un peu moindre, je ne sais pas jusqu'où elles allaient car je ne voyais pas la fin de leur trajet sur l'horizon. Je ne sais combien de temps elles sont restées actives car, lasse, après 20 minutes je suis rentrée me coucher. »

L'interrogeant sur l'apparence des lumières, elle me répond : « Non, pas de détails au niveau des boules. Uniforme et pas de transparence, de relief, de dessins quelconques. La bleu clair limpide et « vivante », l'autre très brillante, couleur de lumière, ou disons, généralement blanche. Il faisait un peu sombre, mais je voyais encore toute la végétation, donc pas la nuit noire (23h en juillet). »

D'autre part, je tiens à faire d'autres vérifications : les lumières aperçues sont parfois (y compris sur des photos qu'on nous fait parvenir) ... des reflets de l'intérieur du domicile ou de l'arrière plan, voire des gouttes ou des poussières, sur les vitres, l'objectif ou les lunettes. Elle me précise : « en fermant les volets de ma chambre, j'ai vu la boule bleue. Intriguée je suis sortie, j'ai observé, puis je suis vite rentrée chercher mon appareil photo numérique, mais trop excitée pour avoir bien effectué les réglages. J'ai continué de regarder au moins vingt minutes puis je suis rentrée me coucher. Idem pour la seconde fois. Plus calme pour les photos, mais cependant rien n'est apparu à l'affichage sur l'ordinateur. Je précise que je ne porte pas de lunettes. Et je me suis déplacée plusieurs fois, mais la « chose » continuait bien le même trajet aller et retour. » A priori, il s'agit donc bien objectivement de lumières dans le champs de vision. À tout hasard, je récupère les photos, et constate via un éclaircissement maximum avec le logiciel Gimp qu'elles sont bien... toutes noires.

Elle m'en dit aussi un peu plus sur la disposition : « Ici, c'est la campagne mais cela se passait entre et au dessus de deux habitations (la mienne et le voisin à cent mètres), par dessus un champ de vignes. Les manifestations se sont déplacées dans les deux cas d'ouest en est, suivant exactement le même trajet mais à des hauteurs différentes. Elles se déplaçaient par dessus des zones habitées, peu denses, puis je ne sais où, et revenaient presque immédiatement au point de départ, au-dessus du vignoble à côté de mon jardin, avant de réitérer. Derrière leur « tracé », en fond de vue une bourgade. Cette nuit là était très calme, claire, pas de vent ni de ciel couvert. Malheureusement, j'étais seule, pas d'autre spectateur. »

Je cherche à en savoir plus sur les repères, et notamment, à voir si l'on peut objectiver la distance. Par exemple, si les lumières sont passées devant un arbre, une maison, une colline, on obtient une distance maximale ; et si elles sont passée entre deux objets, on en tire une fourchette. Mais si l'arrière plan est directement le ciel, impossible d'affirmer que les formes sont proches. Elle me dit alors : « je suis allée ré-estimer hier. La hauteur était aléatoire, mais à deux hauteurs de toit, peut-être trois. La deuxième boule suivait un tracé parallèle à la première, mais plus reculée et plus haute. Mais les deux étaient bien plus basses que les nuages (très peu nombreux et pas épais). Sur leur trajet (en l'air), elles ont du passer par dessus des habitations et de la végétation, mais à ma vue pas devant : elles étaient plus hautes. » Voilà qui est clair : d'une part, rien ne permet d'affirmer que les lumières soient proches du sol, d'autre part, il y a bien un voile de nuages. Les lumières peuvent très bien être haut dans le ciel, voire, projetées sur la base des nuages (« plus basses » peut juste signifier qu'elles s'y projettent à bonne distance, et donc avec une élévation plus faible que les nuages du premier plan).

À ce stade les descriptions semblent précisées et objectivées autant qu'il est possible, je peux alors soumettre le cas aux membres de l'association, pour idées. Et là... miracle ! Deux membres, Roger et Éric, me font ces remarques judicieuses :

  • ils ont déjà vu des apparitions troublantes de larges taches lumineuses circulant dans le ciel, et avaient fini par s'apercevoir par hasard qu'il s'agissait de skytracers (des sortes de spot de DCA parfois utilisés par les boîtes de nuit), illuminant la base - même fine - des nuages sans forcément laisser de faisceau (lesquels se constatent plutôt par temps brumeux ou poussiéreux).
  • D'autre part les deux dates sont des samedis, jours propices aux soirées organisées.

Confrontée à cette hypothèse, Marielle remarque le point de départ identique aux deux occasions, les allez-retours chaque fois vers la même origine, qui dans cette direction pourrait bien coïncider avec... la discothèque le Windsor, sur la route de Bergerac, à quelques kilomètres de là ! « Et le côté « vivant et affairé » des boules peut facilement s'expliquer par le guidage depuis le point d'émission », raisonne-t-elle. Quant à la vitesse d'une projection lumineuse, elle peut bien sûr être arbitrairement grande et changeante, comme son accélération !

 

À ce stade, Marielle est totalement satisfaite par l'explication et n'en demande pas plus. Tout de même, nous aimerions bien obtenir la dernière confirmation : que la discothèque a bien utilisé des skytracers ces jours là ! Malheureusement, ils n'ont à ce jour pas répondu à nos messages. Nicolas quant à lui a épluché le web à la recherche d'annonces ou de récits d'événement liés à un skytracer dans la région vers ces dates, en vain (quant au terme français de « projecteur », il est trop peu spécifique pour être utilisable, mais heureusement moins « vendeur » dans une annonce). En passant, ces recherches nous font trouver un document alléguant que l'armée se servirait de skytracers et d'autres phénomènes lumineux connus comme leurres pour masquer de véritables OVNIs. Ce faisant, il reproduit différents motifs lumineux de skytracers... qui ressemblent effectivement furieusement à diverses sortes de témoignages d'OVNIs ! D'autre part le document cite plusieurs lieux d'apparitions « camouflées en tache de skytracer »... dont une à La Roche-Chalais, pas très loin au nord-ouest.

Entre temps, je constate d'une part qu'il y a trois discothèques dans un rayon de 15 km (en incluant les départements limitrophes, proches), d'autre part que Marielle a commis quelques incohérences de direction dans son récit. Se pourrait-il qu'il ne s'agisse pas du Windsor, après tout ? Je la recontacte pour lui faire préciser la trajectoire, ainsi que la direction vers laquelle elle regardait afin de mieux discriminer les possibilités (de fait, j'aurais du lui faire tracer un schéma dès le départ). Et là, confuse, elle réalise avoir confondus ouest et est avec sa gauche et sa droite ! Reprenant méthodiquement le repérage, elle corrige : « je tournais le dos au Sud-Ouest (pardon pour l'erreur), l'œil sur la boule, je regardais direction nord-est, cela je suis sûre, je connais le nord depuis mon jardin. Les 2 boules sont apparues dans mon champ de vision alors que mon regard se situait sur la ligne nord-est/Sud-Ouest. Leur trajet est allé de ma gauche à ma droite (loin) à partir de mon corps. Ce qui l'emmène vers l'est/sud-est. seraient-elles venues du nord-ouest ? Du sud, non, cela ne correspond pas à sa trajectoire. Le retour suivait pile le trajet aller, peut-être de petits sursauts sur la ligne, en revenant au point de départ (pas toujours respecté pile-poil). »

Au nord-est, se trouve précisément l'autre discothèque, le Tackouk. Dont une des pages facebook indique « accueil le samedi et veilles de fêtes de 23h à 7h du mat' » et une autre précise opportunément « adresse : Suivre le projecteur dans le ciel, Le Pizou, France ». Il semble que nous tenions cette fois le coupable idéal ! Ajoutons en passant que La Roche-Chalais, autre site d'apparition, est à peine à 20 kilomètres de la discothèque. Le gérant nous confirme que dans de bonnes conditions, son traceur peut se voir à plus de 20 km. En outre, il serait le seul à posséder un tel dispositif dans les secteur.

Mais du coup germe une interrogation inverse : pourquoi Marielle ne voit-elle pas le projecteur tous les samedis ? En fait, il n'y a qu'au voisinage du solstice que les longues journées lui font fermer les volets si tard, tandis que Le Tackouk allume son projecteur à partir de 23h, les seuls samedis et fêtes. Cela  ne donne donc qu'une dizaine de coïncidences possibles par an, et encore faut-il que les conditions météo soient favorables, et que Marielle ferme ses volets juste au moment d'un passage du spot, en regardant au bon moment au bon endroit. Finalement, le « bizarre est probable » : les chances sont faibles de voir ces lumières si l'on n'est pas noctambule. Par ailleurs, le gérant du Tackouk nous précise que l'apparence et la portée dépendent beaucoup des conditions atmosphériques, et que l'observation décrite ici doit se produire juste quelques fois par an.

Pour autant, la preuve n'est pas complète : il faudra que Marielle surveille attentivement le ciel en connaissance de cause les prochains samedis soir et fêtes pour en avoir le cœur net. Une régularité du jour serait en soit un indice fort. Cependant concernant le Tackouk, sa lampe a grillée l'an dernier et ne sera pas remplacée dans l'immédiat. Toutefois, il n'est pas exclu que d'autres skytracers, éventuellement plus proches voire plus occasionnels, suivent la trajectoire nord-ouest - sud-est, et que ce soient ceux-là qu'elle ait vus (par exemple le Windsor, plus proche, organise chaque année une soirée « spécial fin des examens » un samedi de juillet). Ce serait donc à déterminer aux prochaines manifestations. En tout état de cause, l'explication de l'OVNI par un skytracer semble ici très probable.

Fabrice Neyret

 

Notes :

[1] : Le nom a été changé, et les phrases de son témoignage très légèrement retouchées
[2] : si l'on recherche OVNI Bergerac ou OVNI Dordogne dans google, il semble que la région soit très touchée.
[3] : : voir dans notre newsletter n°67, l'article Photos d'orbes.
[4] : Near Death Experience, sensations produites notamment au voisinage d'une mort clinique non aboutie, occasionnant diverses illusions de type sortie du corps ou approches de l'au delà. Voir notre dossier OBE, Out of Body Experiences, Expériences de Sortie hors du Corps.